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28 juillet 2007

POUM

POUM

Je suis le diable, le diable. Personne n'en doit douter. Il n'y a qu'à me voir d'ailleurs, regarder moi si vous l'osez ! Noir, d'un noir roussi par les feux de la géhenne, les yeux verts poison, veinés de brun, comme les fleurs de la jusquiame. J'ai des cornes de poils blancs qui fusent hors de mes oreilles, et des griffes, des griffes, des griffes, combien de griffes ? Je ne sais pas. Cent mille peut-être. J'ai une queue plantée de travers, maigre, mobile, impérieuse, expressive, pour tout dire diabolique.

Je suis le diable et je vais commencer mes diableries sous la lune montante parmi l'herbe bleue et les roses violacées. Gardez-vous, si je chante trop haut, de mettre le nez à la fenêtre ! Vous pourriez mourir soudain de me voir sur le faîte du toit, assis tout noir au centre de la lune.   

Colette

Ce poême, je l'ai appris quand j'étais en CE2, j'avais alors 7 ans. Je m'en rappelle aujourd'hui comme si c'était hier. C'est étrange ce que la mémoire peut nous réserver parfois. Elle peut être un grenier très rangé par ci, fort désordonné par là. Allez savoir pourquoi.

Apparemment, cela fait 18 ans que je dépoussière et nettoie le même compartiment. En effet, régulièrement je me prends à vérifier que j'ai toujours le poême en tête. Et chaque fois, il trône dans mon grenier, sans une ride, impeccable de longévité. Je me suis donc décidé de faire le maximum pour conserver l'endroit: je vais le polir, le cirer, le rénover, le décorer; ça ne pourra qu'ajouter à son endurance déjà remarquable. Demain, je m'en irai acheter un costume de diable, et je m'amuserai à l'enfiler, je m'entraînerai à réciter le poême avec les gestes les plus démonstratifs, les mimiques les plus grandiloquentes, le ton le plus théâtral.
Puis, une fois prête, je trouverai un public intéressé de visiter les alcôves reculées de mon grenier, curieux d'assister à l'extraction des sédiments profonds de ma mémoire.

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Commentaires
M
je dois apprendre cette poesie dans 27 jours et je n ' arive pas
L
Il s'agit de ce genre de texte de l'entre-deux, entre le prose et la poésie, une sorte de matérialisation du crépuscule et de la métamorphose. Ses images, toujours présentes et toujours mouvantes, restent accrochées à la mémoire, et nous parlent de l'enfance et de ses peurs, de ses joies, de son attirance pour le grotesque... pour peu que l'on ait assez d'humour ! Il nous touche, parce que toujours, chez Colette, la magie est présente et touche nos sens, littéralement. <br /> <br /> C'est amusant, je l'ai appris aussi en CE2, la même année que Tchim. Peut-être étions nous ensemble. Moi, j'étais dans une école du Val d'Oise. <br /> <br /> Toutefois, nous n'avons appris qu'une petite partie du texte, le début et la fin ; mais ce n'est pas un texte au rabais que nous avons appris. Celui-ci, même coupé, reste cohérent. Preuve donc que ce chat, la ritournelle elle-même, réduite à l'essentiel, nous aggrippe de ses petites griffes et nous éclaire de ses yeux brillants tout au long de notre vie...
A
Ce n'est pas un poème mais un-bien beau-texte de Colette qui a pemis à beaucoup d'entre nous ,semble-t-il,d'etre touchés par la littérature.Et d'aller voir plus loin,chez Colette,et ailleurs.Une découverte indispensable.Quelque chose qui tiendrait de la Révélation?
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