LE MOT "COMMUNAUTE" EN QUESTION
J' aimerais revenir, à la suite du commentaire(très intéressant) de Vanessa au sujet de mon billet intitulé " ERREMENTS", sur un point qui me paraît important; il s'agit en fait de préciser ma pensée.
Tout d' abord je reprécise(je l'ai déjà mentionné dans mon billet intitulé " MISE AU POINT") que Tchim a gentiment accepté d'animer cet espace en ma compagnie; en conséquence, il convient, comme j'ai déjà eu à l'écrire, de s'intéresser à la signature de chaque billet. Il est évident que chacun(Tchim ou moi) a la responsabilité de ses écrits; en l'occurence et s'agissant du billet intitulé "ERREMENTS", je précise qu'il émane de moi, et uniquement de moi. J'en porte(et l'assume) par conséquent l'entière responsabilité.
Vanessa souligne un point que j'ai abordé, peut-être de manière un peu caricaturale, mais sur lequel il me semble en effet important de revenir; ce d'autant plus que je sais mon point de vue largement minoritaire; il s'agit de la question de la pertinence du concept de "communautés"; concept qui rencontre un franc succès, fait l'unanimité, et ne suscite plus aucune interrogation; pourtant il me semble dangereux. Je constate que l'ostracisme dont a été l'objet Calixthe Beyala lors de la conférence de Samedi dernier est la conséquence directe de concept, ou plutôt de ses dévoiements. Pour ceux qui n'ont pas assisté à ladite conférence(sur laquelle je reviendrai), l'un des intervenants, avant la remise à Dieudonné du prix de la personnalité de la "communauté", a procédé à l'excommunication publique de C. Beyala, coupable selon lui de trahison à la suite de ses prises de position médiatiques contre certains propos de Dieudonné. Outre qu'à titre personnel j'ai trouvé cette entreprise dérisoire et un tantinet ridicule, elle fut surtout, à mes yeux, révélatrice des limites(de la perversité?) du mot "communauté"; car ce qui est s'est passé est très simple: Calixthe Beyala a été ostracisée car elle est, d'après certains, une mauvaise "nègresse", une "nègresse-bounty"; la pauvre est coupable, en somme, de mal penser, c'est-à-dire de penser "contre" les intérêts de ce qu'il est convenu d'appeler la "communauté"; Or j'attends toujours qu'on me présente celui qui décide des intérêts de ladite "communauté", de ce qui est bon ou mauvais pour elle; j'attends surtout de notre prophète qu'il "nous" dise quoi penser, comment penser. A ce stade, je précise que je suis quelquefois en désaccord avec les opinions exprimées par Calixthe Beyala(je ne suis donc pas en service commandé). Toutefois, je considère qu'elle est libre, comme tout "noir", de donner son point de vue sur tel ou tel sujet, libre de penser différemment de moi, libre de trouver intolérables certains propos de Dieudonné, libre de le dire ou de l'écrire; C. Beyala n'a pas à me plaire, ni à plaire à quiconque. De la même façon, Gaston Kelman a le droit de trouver(même si je ne partage pas cet avis) inopportun ou inintéressant de revenir sur la question de l'esclavage. Ces deux individus sont d'ailleurs la preuve, s'il en fallait une, que les noirs ne constituent aucunement une "communauté"; en effet, si "nous" avons en commun la même pigmentation, nos histoires personnelles diffèrent, nos éducations sont dissemblables, nos imaginaires, référents, ne se recoupent pas forcément; "nous"(les noirs) ne pouvons donc avoir les mêmes intérêts, les mêmes préoccupations, les mêmes envies, les mêmes priorités, la même façon de voir les choses; notre couleur de peau nous confère peut-être le même héritage d'un point de vue historique, mais ceci dit, libre à chaque "noir" d'en faire un élément important de son être. Je veux simplement dire qu'une couleur de peau(quelle qu'elle soit) n'est nullement un facteur déterminant dans la structure mentale d'un être humain, elle n'induit guère une façon de pensée, de voir le monde. Dans ce sens, "nous" ne sommes pas(les autres races non plus selon moi) homogènes idéologiquement, ni même pour ce qui concerne "nos" intérêts ( Il va bien falloir arriver à comprendre qu'un "noir" puisse être, tout en étant "noir", membre du Front National... ). En clair, la limite du mot "communauté" est qu'il nie, au profit du groupe, l'individu. En effet, dans une "communauté", il n'ya guère de place pour l'expression d'une originalité, d'une singularité (d'où l'ostracisme ridicule dont a été victime C. Beyala); dans une "communauté", le "je " est banni; l'on est d'abord défini en fonction du groupe; le" nous " prime.
Toutefois, que l'on me comprenne bien; je ne rejette pas cet idiome; je me permets juste d'attirer l'attention sur les égarements auxquels peut donner lieu son emploi. Ceci ne m'empêche pas de penser qu'il peut, dans certaines circonstances(lors de luttes, par exemple pour la décolonisation) être un atout; seulement il(le concept) doit être utilisé avec tact, et ne pas être gravé dans le marbre; la priorité(bien que cette position présente également des inconvénients), à mon sens, doit rester l'individu. Si je crois modéremment au concept de "communautés", je crois en revanche davantage à l'existence de familles de pensée et d'intérêts(forcément convergents), ce à l'intérieur de ce qu'il est convenu d'appeler "communautés"; en clair, il est tout à fait possible(encore que ce ne soit pas certain) que C. Beyala, bien que "noire", appartienne à une famille de pensée voire d'intérêts différente de la mienne ou de la vôtre(pour celles et ceux qui sont "noirs"). Pour finir, ce n'est pas parce que les "noirs" ne constituent pas une communauté homogène idéologiquement qu'ils(en tout cas ceux partageant les mêmes intérêts) ne peuvent être, dans leur majorité, solidaires.
Dans un régistre différent mais toujours en rapport avec le commentaire de Vanessa, je continue de croire qu'il n'est nullement nécessaire d'invectiver d'autres groupes pour affirmer son identité ou faire valoir son histoire, fût-elle éminente(comme c'est le cas pour l'histoire "noire"), mais niée. Au contraire, "nous" ne gagnerons, ne fût-ce qu'en crédibilité, que dans la sérénité, mot qui n'est pas incompatible avec fermeté, rigueur, fierté. La violence ou la haine "nous" perdront assurément, car elles sont la voie royale vers l'obscurantisme. "notre" renaissance ne sera effective que si nous réussissons à allier détermination et intelligence; "nous" n'avons pas le temps de la haine.