Pyramide de Maslow africaine
Figurez-vous que je suis tombé hier sur un schéma représentant la "pyramide de Maslow africaine". Son auteur: Monsieur Maixent Callaud, français ayant vécu au Nigéria et au Burkina Faso.
En illustration, quelques passages de ses commentaires:
"En confrontant les deux visuels [ci-dessus: l'Anapurna et le taxi chargé de bagages], je me suis fait la réflexion qu'il y avait vraiment deux visions, deux approches très différentes de la vie, des valeurs clés entre l'Europe et l'Afrique..." [...] "Là où en Europe on raisonne en terme d'ascension, je me suis dit que l'Africain qui regarderait ce logo, allait simplement se dire que cette vision là n'était pas possible... qu'ils pourraient simplement atteindre ces sommets, mais certainement pas y rester. Et certainement qu'il allait y mourir! La température y étant certainement pour quelque chose.
En Europe, il y a cette volonté d'excellence, cette envie de se dépasser... C'est ce qu'on retrouve dans l'approche de Maslow, dans cette représentation ascensionnelle des besoins."
Son interlocuteur de demander: "Pas en Afrique?
Et Callaud de répondre: "Non, pas du tout. Pas en Afrique! Un Africain ne raisonne pas comme ça. Avec lui, c'est d'abord une histoire horizontale. [...] En plus de cette différence entre la verticalité européenne et l'horizontalité africaine, l'approche africaine est collective et non pas individualiste comme en Europe ou en Amérique du Nord.
C'est sur cette double base que l'on peut construire une approche des besoins qui est à la fois concentrique (et non plus pyramidale) et où les besoins sont distribués autrement les uns par rapport aux autres."
Personnellement, concernant les deux visions individualiste et collectiviste qui distingue les pensées occidentale et européenne, je suis en accord avec les propos de M. Callaud.
Par contre, déduire de deux visuels n'ayant absolument rien en commun que l'Africain n'a pas le culte de l'ascension ni la volonté d'excellence m'apparait dénué de tout discernement. Monsieur Callaud a dû oublier qu'il existe le Kilimandjaro en Afrique, et que beaucoup d'Africains tentent de le grimper, utilisant toutes les voies possibles et imaginables que ce volcan veut bien leur accorder.
En outre, depuis quand la température serait-elle un facteur déterminant de la capacité de l'Africain à se dépasser? M. Callaud n'a-t-il jamais entendu parler de ces rituels exécutés par certaines tribus africaines, consistant en de multiples épreuves de témérité et de résistance à la douleur, et consacrant notamment les jeunes hommes qui les exécutent en adultes? Ne sont-elles pas des manifestations de la volonté chez ces individus de se surpasser?
Je ne suis pas en accord non plus avec cette vision concentrique des besoins. Tout univers concentrique se réfère à un centre. Ce centre, quel est-il dans l'approche de M. Callaud? L'Africain dans son individualité? Quand bien même ce serait cela, que ce soit dans l'approche de Maslow ou dans l'approche africaine, plus les besoins évoluent et plus ceux-ci on un rapport direct avec la communauté. Les 3 besoins d'appartenance, d'estime et d'accomplissement dressent une relation étroite avec la communauté et ne sont mesurables qu'en fonction de la position que l'on occupe dans celle-ci.
Bref, la nuance s'impose, et je suis désolée que des raisonnements aussi simplistes aient pu être diffusés sur le site Internet d'une des écoles de commerce les plus influentes au monde (oui j'ai bien dit "au monde").