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1 avril 2006

Planète Capitalismo

Nous sommes en 2006 ap. Jésus Christ. Un peu partout, des chefs d'Etats doivent céder aux injonctions des instances capitalistes. Une paix larvée s'est installée sur la planète Capitalismo, troublée par quelques attaques terroristes vite repoussées. Toute la planète est occupée. Toute? Non. Car une région résiste victorieusement à l'envahisseur capitaliste, une petite région entourée de camps retranchés libéralistes. Tous les efforts pour vaincre ces fiers Français ont été vains et la Banque Mondiale s'interroge: "What?". C'est ici que nous faisons connaissance avec nos héros, qui vont s'adonner à leur sport favori: l'assurance d'une sécurité sociale et professionnelle pour tous les citoyens français... De quoi faire perdre son anglais à M. Paul Wolfowitz.

En parcourant un peu l'actualité française concernant le Contrat Première Embauche, je me suis demandé si l'on n'assistait pas à l'expression des limites du modèle social français, dont les politiques n'ont de cesse de se vanter. Dans un monde dont la courbe d'évolution ne suit d'autre tracé que celui du capitalisme libéral, la France toute armée de son modèle socialo-égalitaire semble atteindre un "breaking point" la plaçant en marge du développement économique des plus grosses puissances. Le déficit du budget de la sécurité sociale, qui agit comme un boulet à la cheville de la France, en est un indice flagrant.
Si l'on tente de considérer les faits de manière globale, le français moyen est un individu qui n'a, pour ainsi dire, point de souci à se faire quant à sa condition sociale. Quoi qu'il entreprenne, quels que soit les risques qu'il décide d'encourir, il retombe sur ces pieds grâce aux divers outils que sont les ASSEDICs, les allocations familiales, l'assurance retraite, le RMI, etc. Certes, les autres pays pourvoient également ces outils, mais dans une proportion moins "intéressante" pour leurs citoyens respectifs. Il est à remarquer, par ailleurs, que cette mosaïque française des structures de protection sociale constitue un bataillon ayant certes fréquemment combattu les vices et injustices économiques, mais ayant néanmoins entamé chez le citoyen français moyen son ambition et son désir d'excellence sur le plan professionnel.

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Le Français est donc fort confortablement installé dans son cocon social et dans un tel cadre, l'irruption du CPE -avec tous les excès qu'il couve de surcroît- constitue un véritable bélier enfoncé dans la muraille de la forteresse sécuritaire. La résistance s'organise, s'agite, parfois pacifique, trop souvent violente, mais les brèches qui apparaissent sur la muraille promettent l'assiégement proche de la forteresse.
La France est-elle toujours en 2006? J'entends par là, sa réaction allergique au CPE ne révèle-t-elle pas sa situation anachronique? A trop vouloir faire l'exception, n'est-elle pas tombée dans l'obsolescence, pire la désuétude, celle des dernières cendres d'un feu de bois qui longtemps permit de réchauffer les ménages français?

Depuis bien une vingtaine d'année, l'Etat-providence semble peiner à soumettre les preuves de sa justification économique. Si bien que de nombreuses puissances, à l'instar des Etats-Unis, lui préfèrent l'Etat-gendarme ne limitant ses responsabilités qu'aux strictes fonctions régaliennes. Ce second système serait plus adapté aux exigences économiques d'un point de vue mondial et pour ainsi dire libre-échangiste.
Friedrich Von Hayek, économiste autrichien du 20è siècle, récuse la notion de justice sociale. Pour lui, "la société est si complexe qu'il est absurde de qualifier la situation d'un individu de juste ou d'injuste car les causes infinies de cette situation nous échappent. Personne ne peut être tenu pour responsable de la misère sociale d'un autre, et il n'y a donc pas lieu de fournir des réparations. Face à cette complexité de la société, l'Etat ne peut promouvoir de manière pertinente une quelconque justice sociale".
Le problème de cette théorie, bien qu'elle soit partiellement pertinente, est qu'elle occulte la notion de devoir de l'Etat envers ses citoyens et donc envers la nation. L'Etat est, à mon sens, supposé assurer un seuil de condition sociale minimum à ses citoyens. C'est à lui que revient en dernier ressort cette responsabilité quand les facteurs économiques en jeu ne favorisent pas ce bien-être social. Mais il est vrai qu'à trop le choyer, le citoyen en perd son autonomie. Sa capacité de résistance aux contraintes économiques s'en trouve amoindrie, ce qui à terme le plonge dans la frustration, et tend à "scotcher" l'économie de son pays dans la stagnation.
Une question arrive alors, déjà maintes fois posée: est-ce le social qui soutend l'économique ou est-ce l'économique qui soutend le social? C'est peut-être à cette question que pourra répondre l'application du CPE si ses résultats, qu'ils soient positifs ou négatifs, ont un impact majeur sur le social et/ou l'économique. Je pense que le CPE et les différents événements que suscite sa promulgation ont réussi à exacerber ce fait essentiel qu'une réforme n'est pas une fin en soi, mais un moyen. Il a également permis de constater jusqu'où pouvait aller la frilosité au changement du citoyen français, au delà bien sûr de la nature de ce changement. Traduit-il une incompréhension entre les politiques et le peuple? Je ne pense pas. Simplement, selon moi, une incompréhension entre la France et la planète Capitalismo.

Pour finir, quelques citations:
- "Cet Etat se veut si bienveillant envers ses citoyens, qu'il entend se substituer à eux dans l'organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu'à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d'eux-mêmes?"

- "Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui."

- "L'Etat a non seulement une mission défensive visant à protéger les droits existants, mais également celle de promouvoir positivement par des institutions appropriées et en utilisant les moyens de la collectivité dont il dispose, le bien-être de tous ses membres et notamment des faibles et des nécessiteux."

N.B.:
Ce post ne vise bien évidemment pas à heurter les sensibilités politiques des lecteurs de THE BLOG, juste à tenter de faire une analyse d'un point de vue global ou mondial de la situation économique de la France, au regard des derniers faits marquants de son actualité.

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Commentaires
M
Le modèle social français est évidemment à revoir. Dans quel sens? De quelle façon, telles sont les vraies questions.<br /> <br /> Je ne pense pas qu'un haut niveau de protection sociale soit forcément un frein à l'initiative, au dynamisme d'une société.<br /> <br /> Je ne pense pas non plus que les français soient par essence rétifs à toute "réforme". Encore faut-il y mettre de la méthode, et surtout ne pas se tromper sur les termes: en France "réforme" signifie depuis plusieurs années "régression". Plusieurs généralement les hommes politiques manquent de courage, d'audace. Ce pour plusieurs raisons. Un changement des institutions serait un début de solution à leur immobilisme.<br /> <br /> D'accord, l'on ne peut raisonner en faisant abstraction de l'évolution du monde. Après tout il existe un phénomène qui s'appelle la mondialisation, un système économique clairement libéral au niveau mondial. Ces facteurs appellent d'une manière ou d'une autre des adaptations. Toutefois, l'on n'est pas forcé d'accepter des régressions au motif que le climat mondial est celui-là. Il y a un équilibre à trouver.
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