Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
THE BLOG
Archives
26 juillet 2005

Paradoxe de l'archéologue

Je regardais un reportage hier sur Arté. La découverte d'une fresque représentant une scène entre Pasiphaé, Ariane, Icare et d'autres personnages. Je déplore mon manque de connaisssances de la mythologie grecque, car la fresque m'apparaissait réellement belle. Sans doute qu'en ayant lu davantage sur ce thème, j'aurais pu partager ou du moins ressentir l'émerveillement grandissant de l'archéologue à chaque centimètre déblayé. Malheureusement, je ne faisais que constater la manière machinale dont l'archéologue, alternait les deux mots "magnifique", "fantastique", "magnifique", "fantastique", "magnifique"... Ce qui parvint à clouer son ravissement fut sans doute le constat d'une fresque aussi intacte que "magnifique", "fantastique", "magnifique"... Je ne connais pas bien le métier d'archéologue mais je devine que dénicher un jour une fresque datant de plusieurs millénaires doit provoquer une espèce de frisson jubilatoire pour qui est passionné par son métier.
Pourtant, l'émission a perdu tout son charme à l'annonce d'une phrase: "Nous ne pouvions laisser cette oeuvre d'art à son emplacement, il fallait la sauver." En un instant, ce qui me permettait d'admirer la patience et le savoir de tels adeptes de l'Histoire, ce qui m'empêchait d'être à l'heure à mon rendez-vous de fin d'après-midi, tant l'instant de la découverte devenait réellement alléchant, laissa place à une sorte d'atmosphère cannibale, illustrée par l'appétit de l'homme à arracher à l'Histoire des hommes ses fruits, ses racines, ses vestiges. Subitement, l'unique souci était alors de préserver la fresque, de la mettre à l'abri, de la restaurer, de la shampouiner, de la bichonner, de lui faire des petits calins avant qu'elle dort... Bref, dégoûtant.
Je me pose alors la question de savoir quel est le but de l'archéologue. Est-il de découvrir de nouveaux vestiges du passé? Est-il de les préserver? Si oui, quelle est sa notion de préservation? Est-ce conserver le vestige dans son état d'origine, tel qu'il fut au moment de la découverte? Ou bien est-ce le corrompre en le maquillant, en lui mettant un peu de fond de teint par ci, un peu de fard à joue par là? Comment l'archéologue parvient-il à apprécier tous les jours son métier, à vanter sans cesse le mérite des civilisations, si lorsqu'il en fait la rencontre son premier réflexe est justement de "déciviliser" celles-ci? Il fallait voir le regard sournois et avide de l'expert soi-disant en quête d'une signification de la fresque. Je décelais l'oeil fuyant du voleur qui prétendait être plus qualifié que son voisin et donc plus méritant que l'autre à la candidature de celui qui allait examiner l'oeuvre.
Finalement, je suis un peu déçue. J'avoue ne pas cerner dans certains cas le fait de vouloir à tout prix soi-disant restaurer une oeuvre qui est restée intacte pendant des millénaires, qui a échappé aux dégâts causés par les tremblements de terre, les coulées de laves et autres manifestations naturelles d'envergure. L'archéologue, pour autant qu'il aime l'histoire et ses vestiges, reste fondamentalement attiré par le gain. Sans le vouloir, c'est ce qu'a démontré cette émission sur Arté.

Publicité
Commentaires
THE BLOG
Publicité
Derniers commentaires
Publicité