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25 janvier 2007

Le Parfum - lu et revu

Le_Parfum___Patrick_S_skindPerfume, The story of a murderer est le film que je suis allée voir dimanche soir dernier au cinéma. Si j'ai fait le déplacement, c'est avant tout parce que je voulais savoir ce que donnait l'adaptation cinématographique d'un des romans ayant marqué mon adolescence, Le Parfum écrit par l'allemand Patrick Süskind.
Bien que j'eusse beaucoup aimé le livre, de l'aventure qu'il m'avait offerte alors que j'étais en première, ne me restaient en mémoire que quelques images. D'abord, celle d'un bébé, personnage principal, né dans la puanteur extrême d'un marché de poissons du Paris moyenâgeux. Il me restait également l'image de ce personnage parmi les personnes les plus hideuses et les plus répugnantes qui puissent exister. Enfin, si ma mémoire ne me trahissait pas, ce même personnage avait un don absolument gigantesque: un odorat omniscient, capable de capter les moindres effluves à des centaines de lieues à la ronde.
Ce sont donc les quelques bribes d'images qui m'occupaient l'esprit dans la perspective de la séance de cinéma.

Notre personnage, dont le nom, Jean-Baptiste Grenouille, me sera révélé par le film, incarnait le génie dans toute sa splendeur et dans toute son ignominie. Du fait de son don inné, il avait pris la décision de devenir parfumeur et alors, la dualité contradictoire de l'expression "génie du mal" se retrouvait unifiée en ce jeune homme de dix-neuf ans, si droit dans sa quête du meilleur de tous les parfums et si intransigeant quant aux moyens à employer pour y parvenir. Dans son roman, Patrick Süskind était parvenu à faire converger chez un même personnage les extrêmes les plus éloignés, la laideur de l'assassin cruel et l'extrême beauté du génie sublimant tous de ses parfums.

PerfumeJ'aimerais tenter ici de faire la distinction entre le doué et le génie. Car en effet, selon moi, tandis que le doué est celui qui possède un don qu'il est capable d'utiliser et de démontrer chaque jour sans difficulté, le génie lui revêt une forme supérieure: en plus d'être doué, il aura cette obsession constante de vouloir exploiter son don, il s'efforcera sans cesse d'en tirer le meilleur quand pourtant il semble déjà y être parvenu. Dans Le Parfum, Jean-Baptiste Grenouille, c'est bien celui-là, celui qui laisse trahir sa nervosité et son impatience devant le savoir.

Ce que j'ai pu également voir dans le film et qui a ranimé mes souvenirs du roman enfouis, c'est cette ligne directrice que forme tout l'univers des odeurs. C'est à travers celles-ci que Patrick Süskind parvient à nous expliquer ce que sont à la fois l'art et la beauté. Jamais il n'aura recours à la peinture, à la musique, à la sculpture ou à la littérature. Seul l'art de créer des parfums, d'agencer les odeurs, de marier les arômes suffira. Alors, des puristes de philosophie me rétorqueront qu'il ne s'agit pas là d'art, mais de savoir faire. J'irai me replonger dans mes lectures platoniciennes et me déciderai ensuite. Toujours est-il que Süskind en plus de décrire un art, saura décrire également le sentiment d'admiration que suscite l'oeuvre d'art. La scène d'orgie générale et massive (dont je n'avais pas souvenir) est à ce propos excellemment appropriée, quoique intrigante. Comme un point d'orgue, elle semble suspendre le film quelques minutes, laissant libre cours à l'interprétation des spectateurs, avant de reprendre. Une question se pose alors: l'exaltation absolue de l'être humain doit-elle nécessairement se traduire par l'acte sexuel? L'homme, quand il ne se contrôle plus, quand son noyau accumbens (la région du cerveau régissant le sentiment amoureux) est absorbé de stimulations, doit-il nécessairement exprimer cet état par la pulsion corporelle? Si oui, comment cela s'explique-t-il? Est-ce par des arguments physiologiques, spirituels, philosophiques?

Le_parfum___vu_et_reluPar ailleurs, Patrick Süskind, dans son oeuvre, semble nous faire croire qu'un homme dépourvu d'éducation est d'emblée dirigé vers le mal et vers la méconnaissance de la valeur humaine, ce qui contredit le principe rousseauiste selon lequel l'homme naît bon. Certes, du moment même où il est né, Jean-Baptiste Grenouille n'a fait que susciter le dégoût de ceux qui l'approchaient. Mais cela suffit-il à expliquer la pulsion irrésistiblement meurtrière du protagoniste? Ou bien Grenouille ignore-t-il ce que sont le bien et le mal? Impossible dans la mesure où il manie avec un talent presque démesuré le sens des hommes, dans la mesure aussi où lui-même sait éprouver la douleur comme la satisfaction. Puis, quand bien même il ignorerait la distinction manichéenne, cela suffirait-il à l'affranchir de sa culpabilité?

La fin de l'histoire et du film est un clin d'oeil à toute la dialectique de l'amour aussi passionnel qu'il peut être destructeur.
Du très beau roman et du très beau film.

P.S.: cette analyse du film et du roman est très restreinte, beaucoup d'éléments n'ont pas été cités; c'est la lecture du roman qui vous montrera à quel point Patrick Süskind était inspiré.

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